SOCIÉTÉ

Vente des cartes de recharge : au-delà de préjugés dénigrant…

Dans une culture encore plus bureaucratique qu’entrepreneuriale, certains ne comprennent pas comment un bachelier ou même un détenteur de tout autre diplôme pourrait s’occuper de « petites » affaires et encore moins de la vente de cartes de recharge. Cela est vu d’un œil railleur mais au-delà de ce qu’on pense, il y en a qui survivent ou a fortiori qui se développent à partir du plus négligé.

« Ya ma unité ya ma unité» « Lumicash na ecocash ndabaha » « Transfert yihuta ngaha », voici quelques-uns des slogans qui vous accueillent dans différents milieux des agents des géants Lumitel et Econet Wireless, les même qui sont aussi vendeurs de cartes de recharge.

C’est un métier  faits par bon nombre de gens et surtout des chômeurs de plusieurs catégories. Du côté de la société, il est inconcevable de voir un « umutsinde » (« celui qui est  passé au banc de l’école et qui a décroché un diplôme) et qui, au lieu de décrocher un emploi bien rémunéré, trimbaler dans les rues en « gilet jaune » ou «gilet bleu rouge» et un téléphone simples pour servir les clients.  A leur donner  raison, cela est fait même dans les campagnes par des gens qui n’ont même pas fini les premières années de l’Ecole Fondamentale.

Pourtant aucun métier à négliger

Loïc* est un jeune homme bachelier à l’Université du Burundi. Depuis peu, il offre ce service de carte de rechange, transfert rapide, et des envois ou retraits Ecocash et Lumicash. « Vous voyez, moi j’ai fini le bac il y a quelques mois. Auparavant je considérais ça comme dégradant et infaisable par quelqu’un qui se respecte. Parfois je me donnais l’image que les gens se feraient de moi en me voyant avec les gilets-là et un diplôme en poche. Mais maintenant que j’ai commencé ce service je comprends son importance de part ce que j’y gagne».

«Mais tout dépend du capital investi. Plus on commence avec un bon capital, plus on gagne beaucoup. », Raconte-t-il.

Et d’ajouter : « Ce service est un service libre. Tu  arranges ton temps comme tu veux. Et c’est facile de mêler ça à d’autres occupations. S’il y a un test ou une interview à passer, ce service ne t’en empêche nullement. »

Mireille*, elle, est une jeune fille trouvée au centre vile Bujumbura. Bien que les apparences soient trompeuses, on voit, de par son look,  une fille modeste mais intelligente. Cela pourrait vous étonner, mais elle a un niveau master. Il ne lui reste que la récupération de son diplôme.

En « gilet jaune », pour ne pas dire agent de Lumitel, elle révèle pourquoi elle a choisi ce service malgré son niveau d’études. « Je ne saurais dire que cela est un métier auquel on peut consacrer sa vie. Mais c’est mieux  que de rester les bras croisés attendant toujours un emploi que l’on ignore d’où il viendra. Et vous savez que même cent francs s’obtiennent en échange de quelque chose au moins. Si on parvient à avoir même le peu qu’on peut, on le consomme fier parce que c’est la sueur de son front. Ecoutez bien, J’en connais qui se sont développé grâce à ce service et qui ont construit même des maisons. »

Et de renchérir : « Tout dépend de la détermination de chacun. Il y en a qui ont étudié et qui choisissent de s’en dormir juste sous l’espoir de décrocher un job bien rémunéré. Pour moi, cela ne passe pas. Pour quelqu’un qui a une vision de son avenir, il n’y a aucune raison de mépriser tel ou tel travail ou service alors qu’il génère un revenu sous prétexte qu’on a son diplôme. C’est mieux de chercher au moins une occupation en attendant cet emploi souvent chimérique ! ».

Certes, les défis ne manquent pas

Chaque travail a ses défis, même pour la vente des cartes de recharges. « Le défi majeur est l’interdiction de nous installer sous des parapluies. Ceci nous a été contraint en 2019 par la Mairie de Bujumbura. C’est un problème sérieux du fait que cela a engendré une forte méfiance des clients à notre égard. Par exemple ceux qui veulent envoyer de grosses sommes se refusent d’envoyer à travers des agents sans siège fixe. Ils se méfient de nous. Et c’est un manque à gagner ».

A côté de ce défi, beaucoup de vendeurs convergent sur le fait que l’augmentation d’agents Lumitel et Econet Wireless ravive énormément  la concurrence. Cependant, au-delà des mépris ou des préjugés qui dénigrent ce service, la vie ou du moins la survie est possible.

* : Noms d’emprunt

Bolingo

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