CULTURE

Kerry Gladys Ntirampeba : Cœur Rit, une Slameuse au cœur qui rit et une plume qui crie

A travers les mots qui pansent les maux, Kerry Gladys Ntirampeba a su surmonter sa peur, apprendre de ses défaites et se relever là où les autres ont abandonné. Aujourd’hui, à la tête du championnat burundais de slam-poésie, la slameuse à l’image d’une amazone veut faire de Bujumbura la capitale mondiale du slam !

Kerry Gladys Ntirampeba est née le 8 août 1998 à 11h moins 10 minutes à l’Hôpital Universitaire de Kamenge “Roi khaled” dans la chambre numéro 1.

Elle est l’aînée dans une famille de quatre enfants. Son père est un ancien guitariste et sa mère est une bonne compositrice et lectrice. Il paraît que la famille souffre de l’hérédité artistique car sa sœur elle, aussi, est chanteuse tandis que ses frères, eux, réfugient leur soif artistique dans le dessin et la danse. Ce qui plaît le plus notre slameuse est que chez eux, chacun aime ce qu’il sait faire !

Kerry a fait la primaire à l’école Arc en Ciel. Après elle poursuit ses études secondaires au lycée Saint-Esprit de Bujumbura en section Scientifique B. Aujourd’hui, Kerry étudie la nutrition à l’Université Lumière de Bujumbura.

Ses débuts avec le livre commencent en 2003. Alors  que Kerry n’a que 5 ans, sa mère l’inscrit à la bibliothèque du Centre Culturel Français du Burundi (actuellement Institut Français du Burundi). Son premier rancard avec le slam s’est passé dans un studio en 2011. Tanguy Alain IRADUKUNDA surnommé “Kwakundi” était l’animateur de l’émission « Plaza Slam » à la Radio Culture. Epaté par les publications de Kerry sur Facebook, il l’invite dans l’émission. Arrivée au studio, elle est interpellée à slamer ses textes. Kerry s’étonne, le slam c’est quoi ? Ça se fait comment ? Des questions qui auront des réponses franches. Et ups! Elle entend pour la première fois le slam. Notre adolescente prendra toute une année pour se décider de s’engager dans le slam.

2012, elle écrit et déclame ses textes dans le groupe Quick ça slam. Dans ses premiers textes, Kerry parle d’elle, de ses craintes, de ses ambiguïtés en tant qu’adolescente.

Kerry Gladys Ntirampeba au festival du Slam de Goma 2020

Ses victoires, ses défaites et ses craintes

Kerry Gladys Ntirampeba n’est pas une fille à se laisser vaincre facilement. En 2016, elle sort troisième dans le concours des dix mots de la francophonie au niveau du continent africain. De surcroît, elle est invitée à l’ambassade des États-Unis au sommet de l’ONU pour slamer pour la 64ème anniversaire. Et pour sa première compétition, une interscolaire organisée par Yetu Slam, Kerry occupe la deuxième place.  Elle en est fière.

Hélas que pour les concours et les compétitions suivants, elle perd l’espoir. En 2018, pour la troisième fois, elle est primée deuxième mais cette fois-ci c’est dans la première édition du championnat burundais de slam poésie. Pour elle, la défaite est insupportable. Se sentant lasse de cette qualification comme un mur qui l’empêche de franchir le sommet, en 2019, elle met en pause le slam. Et s’engage dans l’écriture.

Un retour incertain et glorieux

La slameuse a forgé sa plume dans maintes formations en slam à l’Insititut Français du Burundi par des  slameurs venus de la France, du Tchad et du Madagascar. Ce sont notamment Rouda Brindille, Thomas Lyor Ostier, Croquemort et Caylah.

A travers ses vers et rimes, elle lance un cri d’au secours pour la femme. Des textes toujours révoltants, ses amis l’appellent l’Amazone. A ne l’entendre qu’une seule fois, l’image d’une combattante se grave dans la mémoire du public.  «  Je parle aussi pour les droits des enfants» conclut-elle.  De son nom de scène, “Cœur Rit” ne cache pas son sourire. Aussi dans ses textes trouve-t-on les cœurs qui rient, des cœurs qui crient et des battantes, exprimés en métaphore, en paronomase et en anaphore. Sa punchline préférée est ” on ne reste pas longtemps petit lorsqu’on a des grandes idées“.

Cœur Rit l’a prouvée. Habituée à sortir deuxième dans presque toutes les compétitions, elle aurait abandonné sa candidature dans la deuxième édition du championnat Burundais de slam-poésie de 2020. En revanche, elle s’est surpassée. Elle envoie sa candidature à seulement une heure avant l’heure limite (23h). «Tu vas le regretter si tu ne saisis pas cette chance! », un conseil qu’elle a reçu d’un ami slameur Prince Charmant Iradukunda qu’elle a gardé jusqu’à la finale. «Juste pour tester» tel est le titre de cette aventure qui commence pour la slameuse. Cœur Rit y allait sans motivation.

« A un moment donné quand j’étais entrain de slamer, j’ai regardé le public. Et je me suis dit: je ne suis pas veneu pour le championnat ni pour la coupe ! Je vise ce que je veux être. Gagner ou pas, c’est le moment magique qui ne reviendra pas» nous a-t-elle révélé la source de ses forces lors de la finale.

                                                         Kerry Gladys championne de slam-poésie 2020

Alors le verdict!

Dans la soirée du 22 Août 2020, Kerry Gladys est proclamée championne. Le cœur bat à 200, le sang monte au point culminant de son corps, Gladys court pour donner sa médaille à sa mère. Un signe de reconnaissance. Pour elle, cette victoire est le résultat d’une bataille, d’une persévérance et du soutien de ses amis proches et de sa famille.

A propos de ses réalisations, elle possède dans sa garde robe à slam deux clips vidéo et cinq audios et n’a pas encore fini. Son plus grand souhait est de faire Bujumbura la capitale du slam : « Je veux que lorsqu’on entendra le mot Bujumbura, que toute la terre voit le slam» souligne-t-elle.

Kerry Gladys Ntirampeba représentera le Burundi à Addis-Abeba en Ethiopie dans la compétition africaine. L’équipe Ejo lui souhaite le meilleur.

Romaine BUKURU

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