ZLECAF vs Zone économique spéciale de Warubondo : la clé pour libéraliser le potentiel du commerce au Burundi ?
Dans le but d’accroître le libre-échange des marchandises via la Zlecaf, le Burundi a initié la création d’une zone économique spéciale (ZES) de Warubondo. Même si le projet bat de l’aile, cette zone économique spéciale est une des clés pour libéraliser le potentiel du commerce au Burundi. Coup de projecteur.
« La clé de notre industrialisation ». C’est ainsi que le décret N°100/29 du 16 février 2017 portant création de la zone économique spéciale à Warubondo, qualifié cette première zone économique spéciale (ZES) du Burundi. Aménagée à Gatumba, près de la frontière avec la République Démocratique du Congo, sur 583 ha, son objectif est hautement stratégique : d’une part, attirer, grâce à des avantages fiscaux, des manufacturiers des secteurs agricoles et industriels dont les produits à valeur ajoutée seront destinés à l’exportation ; et d’autre part, créer des emplois.
Les zones économiques spéciales, à l’instar de celle de Warubondo, sont légion. En 2021, l’Afrique comptait 237 Zones économiques spéciales réparties dans 37 pays. Elles sont définies comme étant des espaces géographiques délimités à l’intérieur des frontières d’un pays, qui offrent aux investisseurs des incitations fiscales (réduction ou la suppression des taxes et impôts), des infrastructures (terrains aménagés, échoppes, bâtiments d’usine, services publics), un régime douanier spécial (exemption des intrants des droits de douane et de taxes) et des procédures administratives simplifiées par rapport à ce dont ils bénéficieraient normalement dans l’environnement national.
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À travers le développement de ces zones, les décideurs politiques et économiques des pays africains visent à attirer les investissements directs étrangers (IDEs) et à améliorer les taux d’exportation et de création d’emplois. Les avantages économiques indirects vont de la modernisation de la base industrielle locale au rôle de catalyseur de l’innovation, des connaissances et des retombées technologiques.
Le bémol
Au Burundi, comme partout en Afrique, la tentative de créer ces zones économiques spéciales qui apporteraient les avantages escomptés ont jusqu’à présent rencontré quelques difficultés. Les activités sont à l’arrêt à Warubondo par exemple. Les performances de ces zones sont limitées en raison de certains goulets d’étranglement. De un, leur modèle basé sur la substitution des importations. « L’objectif d’une ZES est avant tout d’augmenter les exportations pour créer plus de richesses et compenser le manque à gagner créé par les avantages fiscaux accordés aux entreprises. Ce qui est bien évidemment difficile lorsque le ZES cible notamment les marchés nationaux, qui sont en général restreints », explique Dr Franck Arnaud Ndorukwigira du CDE Great Lakes qui souligne aussi le manque de spécialisation sectorielle de la plupart des ZES. Pourtant, soutient l’économiste Kelvin Ndihokubwayo, « regrouper les entreprises d’un même secteur dans un même endroit, à l’instar de la Silicon Valley aux États-Unis, permet d’être beaucoup plus compétitif, de favoriser l’innovation et de faciliter la diffusion de l’information ».
De deux, les ZES sont pénalisées par l’exclusion des produits qui y sont issus, des régimes de préférences commerciales établis par certaines communautés économiques régionales, en raison des prix compétitifs que peuvent proposer les entreprises implantées dans ces zones par rapport aux entreprises de droit commun qui exportent sur le même marché sans bénéficier des mêmes avantages. D’où l’intérêt d’une profonde réflexion sur les moyens de faire bénéficier les entreprises implantées dans les ZES des avantages de la Zone de libre-échange continentale africaine sans trop pénaliser les entreprises de droit commun.
Comment changer la donne ?
Via le Zlecaf, le Burundi entre dans une mondialisation dont elle doit intelligemment prendre avantage, en tirant parti des potentialités qui se présentent à elle, et en tenant compte de ses propres capacités politiques, économiques et financières. Les zones économiques spéciales sont donc à la fois des outils et des modèles économiques pour le développement du libre-échange, car les règles commerciales sont plus libérales que celles qui s’appliquent au reste du territoire.
Pour que la zone économique spéciale de Warubondo puisse un jour fonctionner, et atteindre le résultat escompté, il faudra trouver de bons partenaires privés, disponibiliser l’électricité en quantité suffisante et réduire son coût, trouver une main d’œuvre qualifiée, abolir les mesures protectionnistes et les barrières non-tarifaires, etc. En fait, il ne suffit pas de mettre en place une enclave territoriale dotée d’incitatifs fiscaux, pour que des entreprises, qu’elles soient locales ou internationales, s’installent. Il faut beaucoup plus que ça.