SOCIÉTÉ

Retour sur la clôture de la campagne de 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes

En vue de clôturer la campagne de 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes, Sun Network Media (SNM) en partenariat avec l’Ambassade de France au Burundi a organisé ce jeudi le 10 Décembre 2020 deux débats sur les thèmes: « Prostitution et les violences sexuelles basées sur le genre, conséquences de l’exode rural »  et  « Discrimination des femmes en politique, dans le sport et dans le monde du travail ».

Les panélistes  du premier débat, Prostitution et les violences sexuelles basées sur le genre, conséquences de l’exode rural, étaient Pierre Nkurikiye, le porte-parole du ministère de l’intérieur, de la sécurité publique et du développement communautaire, Madame Chantal Bakuzako, représentante légale de Youth Empowerment and Leadership Initiative (YELI), ainsi que Madame Annick Dusenge, chef du projet Mukenyezi gira ijambo.

L’exode rural se définit comme le mouvement des gens qui quittent l’intérieur du pays vers les centres urbains. Parmi ces gens y figurent des jeunes filles et femmes qui viennent en ville à la recherche de l’emploi. Arrivées en ville, certaines réussissent à trouver du travail domestique, les autres en manquent. Celles qui manquent à faire s’adonnent à des pratiques marginales comme la prostitution.

Les raisons pour se lancer dans la prostitution

Selon madame Annick Dusenge, la prostitution est un acte indéniable au Burundi. Cependant, les panélistes ne s’entendent pas sur la cause principale qui pousse les jeunes femmes à se lancer dans ce métier illégal.

« Le chômage et le manque d’autres activités génératrices de revenus alternatives sont à la base de la prostitution. Elles préfèrent ce choix difficile pour assurer leur survie » souligne Madame Chantal Bakuzako.

Madame Annick Dusenge, quant à elle, « se lancer dans la prostitution n’est pas un choix mais une  contrainte à faire ça. Elles n’ont pas de quoi à manger. Que doivent-elles  faire »?

Pierre Nkurikiye, contrarie les autres en disant que la pauvreté ne peut pas pousser les jeunes femmes à commettre de l’infraction.

« Quand on manque de quoi à manger, on se livre automatiquement dans la prostitution ? Se prostituer est l’un des choix parmi les autres. Il ya un bon nombre des jeunes filles qui sont venues en ville. Après avoir manqué du boulot, elles ont décidé de retourner chez elles à l’intérieur du pays » doute t-il.

Des violences existent

Les femmes domestiques et les prostituées sont souvent violées dans l’exercice de leurs métiers.

« Certaines personnes pensent que les travailleuses du sexe ne sont pas violées. Elles subissent des violences comme les autres. Certaines sont battues à mort. Nous avons déjà enregistré trois  cas » indique Madame Annick Dusenge.

Madame Chantal souligne que les femmes domestiques sont aussi violées. L’exemple qu’elle donne est le cas d’une jeune fille domestique qui était tombée enceinte du patron de la maison. Par après, elle a été chassée par la femme de son patron.

Des victimes de violences, personne n’ose à porter plainte.

Les victimes de viol n’osent pas à porte plainte pour plusieurs raisons.« Elles n’osent pas le dire de peur que la société les blâme » dit-elle madame Chantal Bakuzako.

Madame Annick Dusenge, à sa part, affirme que  la cause de ne pas porter plainte est la peur.« Dans leur métier, les prostituées sont souvent attaquées par les policiers. Donc, c’est très difficile de s’adresser à la police en cas de viol » dit Madame Annick Dusenge.

Pierre Nkurikiye a un avis contraire aux autres.

« Il est difficile pour un criminel de s’adresser à la police pour demander la protection de la police dans la commission du crime » s’inquiète t-il.

Solutions

Les panélistes ont déjà entamé des pratiques pour lutter contre les violences faites aux femmes.Selon Madame Chantal, YELI a un centre d’écoute. Les femmes victimes de viol viennent chercher des remèdes. C’est un centre qui aide la victime à choisir elle-même la solution.

« On ne fait pas pour la personne mais on fait avec la personne. C’est-à-dire qu’on ne peut pas décider à sa place » explique madame Chantal.

« Dans le projet Mukenyezi gira ijambo, on fait des sensibilisations communautaires de lutter contre les violences faites aux femmes. Parmi ces femmes y figurent des travailleuses de sexe. On donne aussi une formation sur les activités génératrices de revenus pour voir comment elles peuvent s’en sortir de ce métier illégal. Il ya quatre qui ont abandonné carrément ce métier de prostitution pour faire d’autres businesses » dit madame Annick Dusenge.

Pierre Nkurikiye, à son tour, propose deux genres de solution. Le gouvernement burundais a favorisé la création des coopératives collinaires avec un financement de dix millions francs burundais par l’an. Donc, au lieu de se diriger vers les centres urbains, les jeunes femmes peuvent s’intégrer dans des coopératives de développement.

La deuxième solution concerne la police de punir celles qui commettent des crimes. Si ces jeunes femmes sont incapables de vivre en ville, Pierre Nkurikiye les demande de retourner à l’intérieur du pays pour se joindre aux autres jeunes dans les coopératives de développement.

Le deuxième débat est sur le thème de ‘’Discrimination des femmes en politique, dans le sport et dans le monde du travail’. Les panélistes étaient Nancy Ninette Mutoni, Chargée de la communication au sein du parti CNDD FDD, Marie Kinyabuku, coordinatrice du réseau Femme et Paix, ainsi que Ir Jeannette Kaneza la représentante légale de l’association Femmes Ingénieures Actives pour le Développement Inclusif (FIADI).

Selon madame Marie Kinyabuku, la femme n’est pas suffisamment représentée dans les instances de prise de décision. Les études menées en 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020 montrent que la femme est représentée à 18%.  Les accords d’Arusha parlent d’un minima de 30% de la représentativité des femmes. Mais, c’est seulement certains postes institutionnels, c’est-à-dire au gouvernement, au parlement, au sénat et dans les conseils communaux.

Quelles sont les causes ?

Selon Nancy Ninette Mutoni, les guerres et l’instabilité politique n’étaient pas favorables à l’émergence des femmes. D’après Marie Kinyabuku, la cause est peut-être la culture burundaise.« Au Burundi, la première femme qui a voulu participer comme député à l’assemblée nationale, on disait qu’elle voulait être un homme. Est-ce que être député est un métier des hommes »? se demande t- elle.

Et d’ajouter : « C’est un jeu politique dans lequel on cherche à écarter la femme comme on peut même écarter l’homme pour rester au pouvoir ».

Dans le monde du travail, les femmes sont en nombre très limité. Comme le dit Jeannette Kaneza, les enseignements techniques étaient considérés comme des métiers réservés aux hommes. C’était faux. Aujourd’hui, les femmes peuvent exceller dans ces facultés techniques.

Solutions

Selon Madame Nancy Ninette Mutoni, la grande responsabilité reste aux femmes.

« On ne peut pas toujours s’attendre à des places de cooptation. Il faut d’abord mériter la place. La cooptation n’honore pas les femmes. C’est pourquoi nous encourageons les femmes d’adhérer dans des partis politiques » dit madame Nancy Ninette Mutoni.

Dans le monde du travail, le changement de mentalité s’avère nécessaire.

« On fait des sensibilisations pour éveiller les jeunes filles à changer de mentalité. Les filles devraient étudier les facultés qui étaient considérées comme métiers d’hommes. L’état devrait aussi contribuer en orientant les jeunes filles dans des facultés techniques après l’enseignement secondaire » suggère Jeannette Kaneza.

La campagne de seize jours d’activisme contre les violences faites aux femmes a commencé le 25 novembre pour se clôturer le jeudi le 10 décembre 2020.

Frédéric NTAKIMAZI

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